Autour de minuit
Sombre aperçu d'une peur bleutée,
Détours
Où la lumière des jours ensoleillés arrose,
Où l'ombre des feuilles de châtaignier comme pour jouer,
Tantôt masque sans cacher, tantôt dévoile sans montrer.
Combien de temps à me consoler à tes pieds,
Toi le bel arbre qui m'as protégé et écouté
Sans jamais totalement laver les tourments
De l'insomniaque que je serai par moments ?
Tortueux, les méandres de mes nuits noires m'obstinent,
Pour trouver un abri à mon esprit qui les bornes
Toujours repousse et où plus rien ne pousse.Ma solitude
Dans la nuit noire des tranchées, j'ai supporté
L'aigu sifflement des bombardements, tout près,
La boue visqueuse plaquée de la tête aux pieds,
La faim, diabolique lutin qui des fossés
Creuse et dévore mon corps par ogres bouchées,
La gangrène qui picore inlassablement
La moitié cassée de ma carcasse percée
Et ses ossements, et la peur, et tout ce sang,
Et partout l'odeur. Le cœur finement broyé
Puisque l'autre qui m'a tant regardé pleurer,
A été rappelé.
Lui qui, les yeux baissés, forçait son sourire,
Respirait notre air pour blessés, âcre, étouffant.
Celui qui faisait croire en riant gentiment,
Que de cela rien n'est vrai, contait une satire
Que je buvais comme un enfant, pour qui on dit
D'oublier les démons du même cauchemar,
Approchait les firmaments, imitait le bruit
Des océans, singeait sur le quai son regard
Avant, je m'en souviens incessamment, qu'elle fit
Son dernier départ pour toujours et à jamais,
La belle que j'ai aimée.
Tous deux êtes partis pour toujours aujourd'hui.
Pleure mon cœur, que tombent la nuit et la pluie.
Sabbat
« Le vice se pratique avec autant de naturel que la vertu. » Lawrence Durell (Justine)
Dans la lande plane et rase quand le poids du jour tombe,
Les cailloux rocheux, premières tâches noires oniriques,
Se transforment comme le lait des euphorbes et répondent
En spectateurs graves aux ombres maléfiques.
Embrocations toxiques sur leur peau de serpent
Donnent aux vipères des ailes vénéneuses de sorcières,
Dans un ballet brûlant s'embrasent les atmosphères
Et la belladone fait apparaître Satan.
Les démons succubes déploient leur séduction
Pour que tout être vivant se mue et se jette,
Piétinant la morale, dans la fornication
Que la plaine dégoise en plaintes et cris abjects.
A la place de la feinte vertu, les orgies
Et priapées sont des vices topiques mal famés
Qu'assumés valent nombre de catéchèses truqués
En donnant relief à la platitude de la vie.